L'Enfant et son Père Frédéric Rouveroy (1771 - 1850)

Un père avec son fils se promenait un jour,
Cherchant à l'amuser tout autant qu'à l'instruire ;
Et passant ainsi tour à tour
Des jeux à la leçon, il savait le conduire
Par un sentier semé de fleurs.
Suivez une marche aussi sûre,
Tristes pédants, ennuyeux précepteurs,
Qui trop souvent étouffez la nature
Et devenez l'effroi des jeunes cœurs.
Mais où m'emporte une plainte frivole !
Quand ma voix percerait jusques à leur école,
Pourraient-ils devenir meilleurs ?
Revenons vers ce père : errant sous le feuillage,
Un livre à la main, il lisait ;
Son fils sous ses yeux s'amusait,
Livré sans crainte aux plaisirs de son âge,
Voilà que l'espiègle charmant
Met une rose épanouie
Sur un ruisseau qui mollement
Coulait à travers la prairie.
Un jeune papillon au-dessus de la fleur
Voltige un moment, s'y repose,
Et ce joli navigateur
Au gré des flots bientôt voyage avec la rose,
Notre marmot trépignait de plaisir,
Vainement appelait son père,
Suivant des yeux la nef (68) légère
Que semblait diriger le souffle du zéphyr.
Empêché par des joncs qui partaient de la rive,
Et forcé de quitter la rose fugitive,
L'imprudent papillon tombe et s'agite en vain...
Il allait dans les flots terminer sa carrière.
L'enfant court, le retire, et, posé sur sa main
Il va joyeux le montrer à son père,
Et lui raconte son malheur.
>> Va, j'applaudis à ton bon cœur
Et ce papillon m'intéresse.
Tout imprudent qu'il est, rends-lui la liberté.
Mais viens, mon fils, tu m'as conté
Que tu sais, malgré ta jeunesse,
D'une fable souvent trouver le sens moral
Que l'auteur a voulu nous taire.
Ce petit drame en est une assez claire :
Voyons, je t'aiderai si tu t'expliques mal...
Tu ne dis mot ?.. Eh ! bien cette rose est l'emblème
Des jeux et des plaisirs ; le ruisseau c'est le temps
Qui fuit d'une vitesse extrême ;
Le papillon c'est toi ; et les soins bienfaisans
Qui le rappellent à la vie,
De qui sont-ils, crois-tu ? » — » Ces soins ce sont les tiens,
Mon père, et je t'en remercie !
Toujours je te fus cher ; hélas ! je m'en souviens,
Tu dirigeais mes pas dans ma première enfance
A sourire à mes jeux tu mets ta jouissance ;
Dans l'étude tu me soutiens :
Peux-tu ne pas compter sur ma reconnaissance ?
Ton bonheur m'en fait une loi,
Et tous mes soins un jour seront aussi pour toi ! »

Livre II, fable 19




Commentaires