Respect l'ennemi que tu vois sans défense ;
Loin de chercher à l'accabler,
Ouvre ton cœur à la clémence,
Et sache au moins qu'en outrant la vengeance,
On peut servir celui que l'on croit immoler.
Je vais en peu de mots prouver ce que j'avance.
Un lion jeune et fort, au sortir des forêts,
Fit un faux pas, le voilà dans des rêts.
Il se débat, il rugit, il écume,
En vains efforts il se consume,
Et fait au loin retentir les échos,
Tandis qu'au front terrible, à l'allure imposante
Vers ces lieux un taureau vient chercher son amante.
Plus d'une fois ces deux rivaux
Avaient au champ d'honneur balancé la victoire,
Mais souvent le lion s'en tirait avec gloire,
Et l'autre dès long-tems semblait fuir le combat.
Comme il s'approche, il voit le redoutable sire
Retenu sous le piégé, et dans un triste état.
Ce lâche alors ne peut suffire
Au transport qui l'agite, et voudrait se venger.
Il court, le front baissé, la corne menaçante,
Assaillir le lion, dont la rage impuissante
Ne peut nuire à celui qui cherche à l'outrager...
Du taureau le front s'embarrasse,
Ses cornes dans les rêts viennent de s'engager :
Il tire, il rompt, tout se délace,
Le lion est hors de danger !
Et le traître déjà, prêt à quitter la place,
Tremble ; il craint de courir le hasard d'un combat.
Le lion le voit et s'écrie :
>> Lâche ! cette action devrait être punie "
Mais va, rends grâce aux dieux, mon cœur n'est point ingrat,
Et je me souviendrai que je te dois la vie. »