Le Lion et les trois Taureaux Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Contre les assauts d'un lion
Trois vigoureux taureaux avaient fait alliance.
Ensemble on les voyait, forts de cette union,
Dans les prés, dans les bois, paître avec confiance.
L'ennemi venait-il à paraître, à l'instant
Tous trois dos à dos se postant,
A ses attaques pressantes
Opposaient de toute part
De leurs cornes menaçantes
Le formidable rempart.
Que fait leur adversaire ? Il change de tactique,
Il renonce à la force, et, rusé politique,
Il dit, en s'adressant au plus vaillant des trois :
« Je suis brave et j'aime les braves.
Si parfois je me baigne au sang de mes esclaves,
C'est le privilège des rois ;
Mais à ma bienveillance un grand cœur a des droits :
Tu peux, Seul et sans crainte, errer dans mon domaine :
Sois mon ami ; dans les périls
Tes faibles compagnons pour toi que feraient-ils ?
Romps donc une alliance vaine. »
Le crédule taureau, trompé "par ce discours,
— La langue d'un flatteur nous séduira toujours,
Quitte ses compagnons d'un air fier et superbe,
Et va paître à l'écart les joncs fleuris et l'herbe.
Bientôt le perfide lion
Sut, par des moyens que j'ignore,
Entre les deux autres encore
Amener la désunion.
Puis, comme aisément on peut croire,
Dès qu'il les voit tous trois divisés sans retour,
11 les attaque tour à tour,
Et remporte sans peine une triple victoire.

Que d'exemples pareils nous présente l'histoire !
Contre vos ennemis du dedans, du dehors,
Peuples, soyez unis, vous serez les plus forts ;
Ils voudraient entre vous amener le divorce,
Mais serrez bien vos rangs : l'union fait la force.

Livre III, Fable 8, 1856




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