Portant sa tête dans les cieux
Et de son vaste ombrage étonnant tous les yeux,
Un géant des forêts, un chêne,
Insulta certain jour un frêne
Contrefait, languissant et creux.
A quoi peux-tu servir, dit-il, en ta misère ?
A rien, pas même au feu. Tu fais honte à la terre
Qui nourrit de ses sucs un pareil avorton,
Tandis que moi, la gloire et l'orgueil du canton,
Prêtant contre les vents un abri tutélaire
Au peuple d'arbrisseaux qui végète en ces lieux,
Je domine et protège à l'exemple des dieux. -
Le frêne était réduit à garder le silence,
Lorsque Gros Jean le charpentier
Survint et se chargea du soin de la vengeance.
Il voit, toise le chêne et songe à l'employer.
Aussitôt de maint ouvrier
Réclamant l'utile assistance,
Il s'arme de sa hache et frappe le premier.
Bientôt au sein de la poussière
Le souverain des bois sous le fer meurtrier
A vu rouler sa tête altière,
Tandis que l'avorton naguère s'affligeant
De traîner une obscure et chétive existence,
Se convainc par l'expérience
Qu'il vaut mieux quelquefois être nain que géant.

Livre III, fable 7




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