Le Chariot brisé Fortuné Nancey (? - 1860)

Sur un chemin qu'il connaissait à peine,
Un homme conduisait un char ;
Comme sa route était fort incertaine
Et sa charge très-lourde, il marchait au hasard ;
Demandant à chaque rencontre,
S'il n'avait rien à craindre, et priant qu'on lui montre,
Dans ce chemin qu'il pourrait effondrer,
Par quel endroit il faudrait s'en tirer.
Les premiers répondaient, appuyez sur la gauche,
Car s'il faut qu'à droite il chevauche,
Votre attelage est compromis.
Ne craignez rien, disaient d'autres amis,
La gauche est plus solide, aussi sans plus attendre,
C'est par la gauche qu'il faut prendre.
Puis enfin, étaient-ils plus sages ou plus fous,
Ceux qui venaient crier, marchez droit devant vous.
Tant à la fin de ces soins qu'il oublie,
Et de ces avis qu'il confond,
Le conducteur a la tête remplie.,
Qu'il n'y voit plus et tombe en un ravin profond.
Tout est brisé, meurtri, renversé, tout en somme,
Le char et l'attelage et l'homme.
Mais ce dernier pourtant, qui bientôt se remet,
Dans sa détresse se promet,
D'appeler de suite à son aide
Tous les donneurs d'avis dont il attend remède.
Mais tous fuir, au moment du danger,
Ils avaient cru devoir songer.

Avant que le chariot se brise,
Ils sont nombreux à montrer le chemin ;
Mais à le relever faut-il que l'on avise,
On l'abandonne à son mauvais destin.
C'est l'homme que parfois a trahi la fortune.,
Et perdu les conseils ; qu'un opportun secours,
Pourrait sauver, et qui parmi des sourds,
Cherche une bourse amie., et n'en trouve pas une.

Livre I, fable 8




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