Le Chariot embourbé Remacle Maréchal (1796 - 1871)

Distrait en route, Jean-Thibaut,
Garçon fermier de mon village,
Venait en un marécage
D'embourber son chariot
Plein de fourrage ;
Et bien qu'il eût pour attelage
Quatre chevaux bien beaux, et, certes, en état
De se dépêtrer de l'ornière,
Et qu'en pestant, sacrant, de fouet il leur cinglât
A tour de rôle le derrière,
Rien ne bougeait de place ; en voici le pourquoi,
Si tant est besoin qu'on le dise :
Quand tirait celui-ci, celui-là restait coi,
Puis c'était au rebours. Jean-Thibaut se ravise :
« Pardi ! Je m'y prends mal, se dit-il, si ma main
Leur caressait un peu le garrot, puisqu'enfin
Mon fouet rien ne gagne à les battre :
Là, Pirou... là, Cadet... là, Papi... là, Miraut...
Haïe ! allons, mes bons ! » Les chevaux aussitôt
Comme un seul de se mettre à tirer tous les quatre,
Et bon voyage, Jean-Thibaut ! -
Grands corps délibérants (pour éviter esclandre,
N'en désignons aucun), ô vous qui si souvent,
Pour ne produire que du vent,
Des heures discutez braillant à tête fendre,
Vous voyez ce n'est pas le tout,
Pour avancer, d'être beaucoup ;
Le grand point c'est de bien s'entendre.

Livre IV, fable 13




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