« En vérité, voisin Bauduin,
C'est enrageant ! (Dieu me pardonne
Le gros mot) ; bien qu'on ne leur donne
A manger que de loin en loin,
Tes poules tous les jours pondent que c'est merveille ;
A tout moment leurs cris m'assourdissent l'oreille.
Des miennesj'ai beau, moi, prendre le plusgrand soin,
Les nourrir à gogo de belle et bonne aveine,
De grain bel et bon ; c'est à peine
Si, sur dix qu'en tout elles sont,
De deux jours l'un la moitié pond !
Je te jalouse un peu, sans feinte je l'avoue...
Ne serait-ce pas bien quelque tour qu'on me joue ?
- Allons donc ! Je sais, moi, le vrai pourquoi, mon vieux :
C'est qu'à leur gré partout elles s'en vont, les miennes,
Et qu'un treillage étroit emprisonne les tiennes.
Rends-les libres aussi, je te réponds des œufs. »
Le conseil de Beauduin, qu'on trouvera fort sage,
Confirme cette vérité
Que tout prospère avec la liberté,
Que tout languit dans l'esclavage.