Souvent un trait malin retourne à son auteur ;
Mais toujours, tôt ou tard, on voit la Providence
Par des coups imprévus punir un mauvais cœur ;
Le coupable à sa conscience
Vainement espère échapper ;
C'est elle qui d'abord lui souffle le reproche ;
Puis, pour l'atteindre et le frapper,
D'heure en heure de lui la peine se rapproche ;
Car à chaque méchant, par un juste retour,
Et sa peine et son mauvais jour.
Témoin ce fait, à mille autres semblable,
Qu'en passant nous offre la fable.
Un vieux coq, à l'esprit haineux,
Au bec insolent et hargneux,
Était l'effroi du voisinage ;
Partout aussi sur son passage
Ce n'était que guerre et tapage.
Malheur à l'imprudent rival
Qui voulait marcher son égal !
Malheur à la jeune poulette
Qui d'un autre écoutait fleurette !
S'il se jugeait de force à réussir,
Ouvertement il courait assaillir.
Mais près de plus d'un adversaire
S'il redoutait un sort contraire,
Alors aux ruses, aux détours
Il empruntait de tout puissants secours.
Les uns méprisaient bien sa perfide arrogance,
Mais d'autres tremblaient sous sa loi,
Et partout sur ses pas il avait la science
De semer la haine et l'effroi.
Mais lui, superbe et fier, d'audace peu commune,
Et confiant dans sa fortune,
Il redressait la tête et tranchait du héros ;
Et si quelque revers avait osé l'atteindre,
Il aurait paru, sans se plaindre,
Comme Ajax au milieu des flots.
Un jour, enfin, pendant cette longue misère,
Un innocent pigeon vient, d'une aile légère,
S'abattre non loin de ses yeux.
Cette témérité soulève sa colère,
Et roulant un œil furieux
Sur le malheureux qui s'avance,
Soudain comme un trait il s'élance.
Notre pigeon timidement
De revenir au gîte d'une traite,
Et notre coq aveuglément
De le suivre dans sa retraite.
Mais qui l'aurait su pressentir ?
Déjà le cruel sur sa trace,
Allait l'atteindre et le saisir,
Lorsque sur sa tête qui passe
La trappe se referme et le vient étourdir.
Voilà notre héros à terre,
Ecloppé, souffrant et boiteux ;
Adieu, victoire ; adieu, querelle et guerre.
Par ce coup imprévu, voilà le malheureux
Désormais le jouet de ceux
Qu'il avait opprimés naguère !!!