« J'ai du bien, il est vrai, dit une triste pie,
Et je le ménage, en effet,
Car longue et pénible est la vie !
Qu'est-ce que la richesse ? Ah ! c'en est si tôt fait !
L'on me taxe à tort d'avarice ;
Qu'on connaît peu ma générosité !
Faire du bien, c'est mon délice !
L'an passé, j'ai donné, ma foi, trois grains de blé.
— Mais, répond le serin folâtre,
peine, m'a-t-on dit, vous vous rassasiez ;
ls êtes pour vous-même une dure marâtre.
Et l'antre jour, vous me disiez
Que sans souper vous vous couchiez.
Soucieuse, inquiète et chiche,
Vous repoussez la joie et le bonheur :
Votre âme se morfond plus vous devenez riche.
Ne prodiguez point, soit ; mais, par quelque douceur,
Rendez-vous la vie agréable
Et devenez d'une humeur plus traitable ;
Sans soucis, vous pourriez disposer de vos biens
Et vous pleurez sur le sort implacable
Que le ciel fait peser sur les aériens.
C'est à mes yeux un vrai blasphème :
C'est accuser le Créateur
D'être injuste, persécuteur ;
C'est nier sa bonté suprême,
Et convertir, pour vous, ses bienfaits en malheur.
Ah ! combien mon partage est plus beau que le vôtre !
Je n'ai point de trésor, mais j'ai le cœur serein,
Je jouis un jour comme l'autre,
Et sans penser au lendemain.
— Ciel ! je frémis de ton insouciance !
L'avenir cache cent revers :
Il faut un peu de prévoyance.
— Un peu, soit ; mais le maux divers
Que votre inquiétude enfante
Sont seuls des maux réels.
— Va, la fortune est inconstante,
Ses revers sont cruels,
Ils ébranlent notre croyance ;
Si des malheurs que le sage prévoit
T'étaient ce jour ta subsistance,
Comment ferait demain ta fière indifférence ?
Comme hier !... Dieu pourvoit. »