Une mouche rôde affamée
Autour d'un sucrier du cristal le plus fin ;
Elle s'y glisse enfin
Et s'y trouve enfermée.
Est-il un plus heureux destin
Pour une pauvre mouche ? Aussi de l'aventuré
Elle profite bien, se gorge sans mesure,
Et s'écrie enivrée : « O Ciel !
Quelle suave nourriture !
Bien moins doux, abeille, est ton miel
El puis quels gros morceaux ! il me sera facile
D'en nourrir cent ans ma famille.
Réjouissons-nous donc, et vivons sans soucis. »
Cependant quelques jours à peine,
Par tant de bonheur adoucis,
Se sont passés, qu'en ses vœux incertaine
La mouche soupire d'ennui.
« Dieu ! dit-elle, la panse pleine,
Dieu ! que le temps parait long aujourd'hui ! »
En ce moment, sa sœur, en dehors, passe
« travers le cristal lui dit :
« De quoi donc te plains-tu, de grâce ?
Que ne suis-je, hélas ! à ta place !
Le ciel avait pour toi trop de bonté;
Comme j'y ferais bonne vie !
— À mon sort porte moins envie.
— Quel démon peut troubler tant de félicité ?
— Las ! la satiété ! »