L'Homme vindicatif et le Philosophe Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Cédant au vif désir d'une aveugle vengeance ,
Dans trente vers ronflants et faits à la Boileau ,
Un jeune auteur n'avait pas peint en beau
Un des suppôts de la finance.
Chacun sait qu'un poète adore ses enfants,
(Par ses enfants, on entend ses ouvrages)
Et qu'il les lit à tous venants,
Espérant obtenir grand nombre de suffrages.
À certain Philosophe il montre cet écrit.
« On le voit, lui dit-il, le courroux vous enflamme :
Ou ces beaux vers ne sont que des éclairs d'esprit,
Ou je connais bien peu votre âme.
Croyez-moi , pour punir un être malfaisant,
Ne déshonorons pas nous-mêmes notre vie.
On sait trop que le médisant
Le plus fréquemment calomnie.
Il me semble vous voir courir chez l'imprimeur
Pour qu'il mette au jour cette pièce,
Premier jet de votre fureur.
La nuit porte conseil. Différez, rien ne presse ;
Et si dans quelques jours vous êtes irrité,
Comme vous me paraissez l'être,
Ne serez-vous pas toujours maître
De donner à vos vers de la publicité ? »
Cette leçon apaisa la colère
De notre auteur brûlant de se venger,
Et la réflexion sagement lui fit faire
Ce qu'on ne pouvait exiger.

Toujours au lendemain remettez la vengeance.
Si votre cœur est pur, si votre cœur est bon,
Vous écouterez la raison,
Et vous suivrez les lois de la clémence.

Livre I, fable 7




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