L'Apparition de la Vertu Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Un mortel né dans la misère,
Et maintenant favori de Plutus,
Discourait avec un Crésus
Devenu pauvre à force de bien faire.
« Ah ! qu'il m'en a coûté pour amasser de l'or,
Disait le riche, et que l'on a de peine
Pour se voir un petit trésor !...
Mais quelquefois le bonheur nous enchaîne. »
Il. détailla tous ses succès
Et fit enfin l'aveu de sa grande opulence.
L'autre lui dit : Toutle bien que j'avais
Heureusement me venait de naissance.
J'ai fait beaucoup d'ingrats, mais, c'est un grand plaisir !
A soulager la timide indigence,
J'ai vu mon bien s'évanouir :
Je jouis par réminiscence,
Et voudrais être à même encore de m'appauvrir. --
Aussitôt la Vertu, cette aimable déesse
Au port majestueux, à l'air modeste et doux,
Leur apparut, et dit avec noblesse
Au favori du Dieu qui rend les hommes sous :

-- Le bon emploi du bien fait la richesse,
Et monsieur à mes yeux est plus riche que vous.

Livre I, fable 6




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