Toi, dont le sort m'a séparé,
Vers qui mon cœur vole sans cesse,
Ami, c'est à toi que j'adresse
Ces vers que tu m'as inspiré.
Lorsque sur ta lyre sublime
Tu les chantais à ta Sélime,
Hélas ! cher ami, pensais-tu
Qu'elle irait sitôt elle-même
Jouir de ce bonheur suprême
Que tu promets à la Vertu.
Un bon Vieillard, au pied du Sanctuaire,
Faisait à Dieu cette prière :
« Mon Dieu ! je n'ai qu'un fils, tendre objet de mes vœux.
J'ai pris soin jusqu'ici d'élever sa jeunesse :
Mes travaux sont payés, mon fils est vertueux.
Daigne, mon Dieu, couronner sa sagesse,
Et des Mortels qu'il soit le plus heureux ! »
Il dit. Sa voix pénètre jusqu'aux Cieux ;
Sous ses genoux il sent trembler la terre,
Il voit s'ouvrir le Sanctuaire,
Et dans un cercle radieux
Un Esprit de lumière
Apparait à ses yeux.
L'Etre éclatant vers lui s'avance :
Vos vœux, dit-il, ont touché l'Eternel ;
Votre fils, vous, demain, au pied de cet autel,
Venez de vos Vertus chercher la récompense.
Le saint Vieillard passe en prière
Le reste de ce jour et la nuit toute entière.
Le lendemain, d'un pas pressé,
Il marche vers le Sanctuaire,
Où son fils l'avait devancé.
Il le trouve étendu par terre :
Il était mort. Au même instant
Le Vieillard tombe, et meurt en l'embrassant.