La Couverture coupée en deux Alfred de Montvaillant (1826 - 1906)

Sur son grabat, un pauvre misérable
Accablé par le sort fatal,
Par son fils, acte regrettable,
Allait être conduit au prochain hôpital.
C’était l’avis de toute la famille
Qui ne pouvait pourvoir à ses besoins,
L’indigence empêchait qu’on lui donnât des soins.
Du vieillard, la petite-fille
Déplorait cependant que la nécessité
Les eût poussés à cette extrémité.
Au seuil de la maison attendait la civière,
À la pauvreté coutumière.
Le père dit à son fils écœuré :
Va chercher une couverture
Qui pourra préserver son corps de la froidure.
L’enfant y va contre son gré.
Se séparer de son grand-père,
Pour lui, quelle pensée amère !
Au départ de l’aïeul, pourquoi tous ces parents
Ainsi sont-ils indifférents f
Son père lui semble blâmable :
Cette action est bien coupable !
A l’hospice envoyer mourir
Qui ? l’auteur de ses jours.
Cela le fait frémir.
L’enfant arrive dans la chambre
Dont les volets battaient sous le vent de décembre.
Il prend la couverture et son bras vigoureux,
Arme d’un fer, la coupe en deux,
Et porte la moitié seulement à son père.
— Tu dois être content, j’espère,
Dit-il, l’autre moitié, c’est pour le jour fatal
Où nous te porterons toi-même à l’hôpital.
Le fils ingrat comprit cette leçon sévère,
Il reconnut son tort et garda son vieux père.





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