Le Chien vertueux Henry Macqueron (1851 - 1888)

Deux Chiens s’amusaient peu, laissés seuls au logis.
L’un d’eux, pour se distraire inspectant la cuisine,
Se prit à méditer sur des restes farcis.
Le vol est assez laid, laide aussi la famine :
Le fouet a des rigueurs ou plus tard en aura ;
Bah ! plus tard on avisera ;
Et la viande a si bonne mine
Enfin tout vu, tout pesé, le reclus
Tombe dessus.
La besogne allait bien, lorsque le camarade,
Qui promenait son air maussade,
Vient lui faire un discours plein de moralité,
Il l'exhorte à la tempérance,
Il fait appel à sa fidélité ;
Dans cet abus de confiance,
Pour l’honneur du nom Chien quel douloureux affront !
Tout en mâchant, le dineur lui répond :
« Je t'ai vu rarement faire ainsi la bégueule,
Mon bon. Mais par hasard, voyons, ne prendrais-tu
Le fondement de ta vertu
Qu’en cette muselière emmanchée à ta gueule ?
Sur moi ton bel exemple aura peu de succès ;
Car je te dis en bon français :
Foin du sermon de l’hypocrite
Qui de nécessité veut se faire un mérite. »

Fable 47




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