Un Bœuf lequel n'avait, ni grenier ni cuisine,
Possédé d'un faim canine,
Après avair jeté ses regards mainte part,
Sans pouvair rien trouver qui lui fut favorable,
Aperçût enfin par Hazard,
Quelques botes de foin dans le fonds d'une étable.
Aussitôt il y court pour contenter sa faim,
Mais d'abord un puissant Mâtin,
Qui s'y trouva couché, se levant en furie
Avec des yeux étincelants,
Et par d'affreux aboiements,
Fit que le Bœuf ne pût contenter son envie.
Animal envieux, cruel et malfaisant,
Dit le Bœuf en se retirant,
A quel horrible excès portes-tu l'injustice,
D'aimer mieux que ce foin qui ne te sert de rien
Quelque jour devant toi périsse,
Que de vouloir souffrir que j'en prenne un seul brin,
Pour pouvair modérer les ardeurs de ma faim.
L'homme d'un naturel avare
A pour les Disetteux toujours un air barbare.
Il possède des biens, mais il n'en jouit point,
L'or est à son égard ce qu'au Chien est le foin.