Le Chien et le Loup Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Au loup le chien donnait la chasse ;
Le prendre était peu malaisé :
De faim, de fatigue épuisé,
Le loup tombait de guerre lasse.
- Vil esclave, dit-il au chien,
Par toi faut-il que je périsse ?
Lâche persécuteur et traître à la justice,
Tu m’envias toujours ma liberté, mon bien !
Tu dévores mon droit ! – Ton droit, dit le molosse,
Était celui du plus féroce ;
Le mien, c’est celui du plus fort,
Et celui du plus faible aussi, que je délivre.
Pour remplir un devoir tu n’as jamais su vivre,
Tu n’as droit à rien… qu’à la mort !

Liberté, liberté chérie,
Il est beau de mourir pour toi,
Mais il est bien plus beau d’obéir à la loi
Et de vivre pour la patrie !

Livre I, fable 8


Symbole 8 :

Nous avons déjà représenté la tyrannie par le loup. Ici nous le prenons pour le symbole de l’anarchie. Qu’est-ce en effet qu’un tyran ? C’est un anarchiste couronné. L’anarchiste est celui qui prend pour la liberté l’exemption ou l’infraction du devoir. C’est celui qui méconnaît l’autorité d’une manière absolue et universelle, même l’autorité de la vérité et de l’honneur. C’est l’homme insociable, c’est le sauvage, c’est l’enfant révolté contre son père, c’est l’individu qui s’isole en se concentrant dans son égoïsme et dans son orgueil. Cet homme ne saura jamais commander, il ne saura qu’opprimer, parce qu’il n’a jamais su obéir ; il porte avec impatience l joug du travail, il est jaloux de l’intelligence, il nie la science, il n’écoute jamais les instructions que comme des outrages à son ignorance, et toute lumière le brûle au lieu de l’éclairer ; il voudrait courber toutes les têtes sous le niveau de sa propre stupidité. S’il est empereur, il peut s’appeler Caligula ; s’il est tueur de roi, il s’appellera Marat ou Fieschi.

Ce sont de pareils hommes qui nous font comprendre la valeur sociale du gendarme. C’est contre de pareils loups que les bergers du troupeau des hommes doivent lancer leurs chiens.


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