La Colline et la Montagne Éliphas Lévi (1810 - 1875)

La montagne au front sourcilleux
Du haut de son mépris regardait la colline,
Qui toujours doucement se relève et s’incline
Sous les pas des troupeaux, des hommes et des dieux.

Adore-moi, motte de terre,
Disait-elle avec ses échos :
Sur toi je suspends le tonnerre,
Des orages grondants mon front brise les flots.
- Ma grande sœur, tu n’est pas sage,
Répondait la colline, et s’il tonne chez toi,
Je ne crains que ton voisinage,
Car tu pourrais tomber sur moi.

Or, un jour survint la guerre
De l’Olympe et des Titans,
Les immortels sur la terre
S’exilèrent pour un temps.

La montagne est arrachée,
Elle s’écroule en débris,
Quand sous de calmes abris
L’humble colline est cachée.

Vénus fuit dans son vallon,
Bacchus y plante sa vigne,
Bientôt elle devient digne
Des visites d’Apollon.

On y construit, on y fonde
Des palais et des autels :
Les dieux sur sa verdure attirent les mortels ;
Elle est, enfin, l’oracle et la reine du monde.
La richesse fertile y vient de toute part,
Les rois lui font la cour et laissent à l’écart
Ces grands monts éternels nourriciers des orages
Qui passent les nuages
Et que le Très-Haut seul domine d’un regard.

Préférons aux gloires stériles
Le travail qui fait le bonheur :
La hauteur n’est pas la grandeur.
Pour être grands, soyons utiles.

Livre I, fable 9


Symbole 9 :

Il n’est pas de vraie puissance sans actions ; l’orgueil qui se croit au-dessus de tout le monde est moins grand que le vrai mérite qui se met au niveau du devoir sans jamais prétendre à s’élever au-dessus. Ce n’est point l’élévation aride des montagnes qui fait leur grandeur ; l’Olympe est peut-être plus escarpé que le Parnasse, mais c’est le Parnasse qui fait la gloire de l’Olympe.

Le Calvaire n’est qu’un monticule et il est mille fois plus grand que le pic de Ténériffe.

Quelle cime des Apennins ou des chaînes du Caucase s’égalera jamais à la grandeur du Capitole ? Quel entassement de montagnes, rêvé par les Titans de la fable ou de l’histoire, pèsera jamais sur le monde autant que la simple colline du Vatican ?


La révolution française eut aussi sa montagne sanglante et terrible qui est restée moins grande dans la poésie de l’histoire que le mélancolique et morne rocher de Sainte-Hélène.

Dieu a foudroyé les cimes du Sinaï et du mont Horeb et il a établi son temple sur la colline de Sion.


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