Les Obsèques du Rossignol Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Un rossignol avait charmé longtemps
Le peuple ailé des forêts sombres,
Puis survint la fin de ses ans ;
La mort le reprit dans ses ombres.
Tous les oiseaux alors crurent qu’ils feraient bien
De rendre hommage à sa mémoire.
La forêt le pleura comme un grand citoyen.
Mille cris douloureux attestèrent sa gloire.
Seul pourtant un merle siffleur
Osa blâmer cette douleur :
Impuissant et jaloux, c’est la commune règle.
- Qu’a-t-il fait, après tout, ce chantre si vanté,
S’il voulait être regretté,
Pourquoi n’était-il pas un aigle ?
- Mais toi-même, pourquoi ces discours superflus,
Lui répond un pinson plus sage,
Tu n’es pas un aigle non plus,
Et du doux rossignol tu n’as pas le ramage.

Pelletan, mon ami, pourquoi donc outrager
La mémoire de Béranger ?
Sans doute il fallait, pour te plaire,
Dis-le maintenant sans façons,
Que Béranger fût militaire
Et ne fît jamais de chansons !

Livre I, fable 10


Symbole 10 :

Notre fable est une application et une explication du symbole de Pythagore : « Ne brisez pas, ou ne déchirez pas les couronnes. »

Béranger ne réalise pas pour nous l’idéal de la perfection humaine. Le chantre de madame Grégoire et de Lisette, le pontife grivois d’un bon dieu en bonnet de coton, n’est, on peut bien le comprendre, ni notre modèle, ni notre héros ; mais Béranger était un homme de cœur, un honnête homme, un vrai talent, et en prenant sa défense, nous voulons proclamer l’inviolabilité de la gloire et des tombeaux.


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