Un Rossignol, par ses chansons,
Pendant le mois de mai charmait tout un boccage.
Les oiseaux, attentifs à ses doctes leçons,
Tâchaient d'imiter son ramage.
Ils ne l'imitaient pas ; mais n'importe, leurs sons,
M'en paraissaient plus doux, m'en plaisaient davantage.
Le mois de juin venu, notre aimable chanteur
Tout à coup garde le silence.
Dans tous le bois grande rumeur
Et vire et vite en diligence
On dépêche un ambassadeur.
Un jeune pinson eut l'honneur
D'être chef de cette ambassadeur.
Qu'as-tu, lui dit-il, camarade ?
D'où te vient ta mauvaise humeur ?
Pourquoi nous punir tous ? Dis, ferais-tu malade ?
Le rossignol, montrant un nid
Où l'on voit maint et maint petit
Ouvrir un large bec et demander pâture :
J'ai chanté, lui dit-il, les plaisirs et l'amour
Quand je n'étais qu'amant : chaque chose à son tour.
À présent je suis père et la sage nature,
Qui m'a donné ces chers enfants,
Au lieu de mes chansons m'inspire
Des soins tout aussi doux et bien plus important.
ENVOI (à Madame C...)
Tu ne chantes plus, ô Thémire,
Je n'entends plus ces doux accents
Qui portaient un charmant délire
Dans mon âme et dans tous mes sens.
Mais tu me plais bien mieux, tu me sembles plus belle
Lorsque je vois sur ta mamelle
Un enfant qui tête et s'endort
Que quand tu me chantais les airs de Philidor.