La Montagne qui accouche Gilles Corrozet (1510 - 1568)

De grand ventance peu de faict.

Celluy qui trop se vante et loue,.
Et son faict ne vient à l'honneur,
On s’en rit, on s’en moque et joue:
C’est le loyer d’ung blasonneur.


Ung bruict courut jadis que les montaignes
Enfans portoient,
De quoy tremblotent vallées et champaignes.
Une s'enfla : hommes s’espouventoient,
Et vindrent contre,
De toutes partz l’environnant, guettoient.
Ilz pensoient veoir delle sortir ung monstre,
Dont tous peris
Ilz s’estimoient, mais riens qui soit se monstre.
Or, a la fin sortit une Souris
Du creux d’icelle,
Dont tz ont tous jecté plusieurs soubzriz.
Ainsi est il de gloire temporelle
Et d'ung vanteur :
Car tout son feu se mue en estincelle.
Ung qui se loue et se nomme vaincueur
Pour donner crainte,
Au grand besoing luy fault couraige et cueur.
Le mal aussi ne faict sy griefve attaincte
Que la peur faict,
Alnst aulcuns ont peur pour une faincte
Du sot vanteur riens ne vient a effect
Par son beau dire,
Et le paoureux, aussi sot en son faict,
N’en faict que rire.
Fable 21


Titre original : De l'enfantement des montagnes

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