La Vertu, l'Opulence et l'Indigence Jacques Peras (18è)

Un jour la Vertu vint sur terre,
Et ne savait où se loger.
L'indigence offrit sa chaumière,
Et la vertu l'accepte, et crut que sans danger
On vivait sous un toit rustique,
C'est-à-dire, à l'abri de tout funeste écueil.
D'abord l'Indigence se pique
De faire à son Hôtesse un gracieux accueil.
Le fait est très-louable ! et sous un ton mystique :
Qui laissait entrevoir l'orgueil,
Elle méprisait l'Opulence,
Et dans le fil de son discours
La Médisance
Prit séance.
Enfin au bout de quelques jours
La Vertu vit chez l'Indigence
La Fraude et la Duplicité,
Le Désespoir et l'Envie,
(Dignes Enfants de la Nécessité.)
Elle s'en fut et dit, ah ! quelle perfidie !
Croirait-on l'Indigence avoir pareils défauts ?
Chemin faisant elle vit l'Opulence
Qui vivement l'aborde et lui tient ce propos.
Je vous cherche partout, marchons en diligence
Suivez-moi, charmante Vertu,
Je vous prépare un sur asile,
Où vous ferez à bouche que veux-tu :
Là vous aurez l'agréable et l'utile,
Chez moi les ris, les jeux et les plaisirs
Seront au gré de vos désirs.
La Vertu répondit : cela ne peut me plaire,
Ce que vous proposez est pour la Volupté ;
Je n'irai point chez vous. Quand je reste sur terre,
C'est chez la Médiocrité
Où je loge pour l'ordinaire.

Ce discours est simple, ingénu ;
Mais il y reste un certain voile.
Disons tout net, que la Vertu
Souvent couche à la belle étaile.

Livre I, fable 4




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