Quand la vivacité rend un homme coupable ,
La raison veut qu'il répare ses torts ;
Il en coûte sans doute alors bien des efforts,
Mais on en est plus estimable.
Deux hommes se voyaient d'habitude et de cœur :
Entr'eux survient une vive querelle ;
De part et d'autre on montre de l'aigreur,
Et bientôt de chacun l'œil ardent étincelle.
On se sépare : l'agresseur
Le lendemain reçoit de l'autre une missive :
On le provoque, on veut le voir au champ d'honneur,
Pour empêcher la récidive.
Auprès de lui notre agresseur se rend.
« J'ai réfléchi, dit-il, sur mon offense,
Et vous avez incontestablement
A cet égard le choix de la vengeance ;
Mais, avant tout, la sévère équité
Veut que moi-même je m'accuse.
J'ai tort, c'est une vérité,
Et je viens aujourd'hui pour vous en faire excuse.
Maintenant, ordonnez, et je suivrai vos pas ?
On vit alors à la colère
Succéder un accord mutuel et sincère,
Et nos rivaux se presser dans leurs bras.
Eût-il au champ d'honneur remporté la victoire,
L'agresseur n'est pas satisfait ;
Mais, avant d'y marcher, quand son cœur a tout fait
Pour réparer ses torts , et qu'il les reconnaît,
S'il succombe, il fait naître un sincère regret,
Et le vainqueur lui-même est jaloux de sa gloire.