Un jeune roi , sage et pieux ,
Faisait régner les vertus sur le trône,
Et Jupiter, du haut des Cieux,
Voyait avec plaisir sur son front la couronne.
« Ce souverain, dit le maître des Dieux,
Est encor sans expérience :
On peut tromper son cœur et fasciner ses yeux ;
Les ministres d'un roi n'en ont pas la clémence ;
Et quand ils sont ambitieux,
Pour eux le mal qu'ils font est une jouissance.
Il faut le garantir de la séduction ;
Et je yeux que, vantant à jamais sabelle âme,
Au seul nom de ce roi toute sa nation
Trésaille de plaisir et constamment s'enflamme. »
Mercure, de sa part, lui remit un Miroir
Sans aucun ornement, et dont tout le mérite
Était de le guider toujours dans sa conduite.
Quand elle était injuste, il ne pouvait s'y voir ;
Mais formait-il un projet sage ,
Utile à ses sujets qui l'aimaient tendrement ?
A l'obscurité même, et très-distinctement,
Il y voyait se peindre son image ;
Mercure s'étendit beaucoup sur son usage.
Pour créer un impôt , abroger une loi,
Faire la paix, ou déclarer la guerre,
Charger un grand d'un important emploi,
Ou pardonner ou se montrer sévère ;
Il consultait d'abord son cœur et son devoir,
Et par un acte de prudence,
Il regardait si ce Miroir
Avec tous deux était d'intelligence.
Son peuple fut heureux. Ses ministres surpris
De ses décisions , de sa rare justesse,
Tremblaient près du monarque admis,
Et ne purent jamais surprendre sa sagesse.
Mortels, de ce présent ne soyez point jaloux :
Et pénétrés de ce que fit pour vous
Le ciel, manifestez votre reconnaissance.
Il vous a fait un don fort beau,
Qui vaut bien celui-là, je pense ;
C'est de la raison le flambeau,
Et le cri de la conscience.