Un singe damoiseau tranchait du personnage.
(Le galant, de ses jours, n'avait vu son visage).
Un miroir, offert à ses yeux,
Au mignon tout-à-coup a rendu sa figure :
Fidèle et grotesque peinture !
Calot n'eût pas attrapé mieux.
« Oh, oh ! dit le magot, qui se prend pour un autre,
La laide bête que voilà !
Pour nos menus plaisirs, sans doute, un bon apôtre
A rêvé cette charge-là,
Petit minois falot, la main qui t'esquissa
Était loin de songer au nôtre ! »
Et Bertrand de rire aux éclats.
Tantôt sur le museau du sire
Le badin a pris ses ébats ;
Tantôt sa longue queue, et tantôt ses longs bras,
Ont leur lardon dans la satire.
Puis, content de lui-même, et plein de ses attraits.
Le burlesque Adonis fait son panégyrique
En discret louangeur qui ne mentit jamais.
La matière épuisée, il se rengorge en paix ;
Et, regardant encor la glace véridique,
S'y revoit sans s'y voir, et rit sur nouveaux frais.
Mouflard vint à passer sur ce beau soliloque ;
Mouflard, honnête chien, mais franc : « Pauvre animal !
« Un second toi respire en ce portrait baroque ;
Vis-à-vis est l'original,
Et de Bertrand Bertrand se moque.
L'ami, connais-toi donc. »
Mouflard avait raison.
Mais quoi ! d'un bon avis sot use-t-il ?
Eh ! non. Le nôtre, malgré lui vaincu par l'évidence,
Dans les traits qu'il berna piqué de voir ses traits,
Se venge de la ressemblance
Sur le peintre qui n'en peut mais ;
Et du cristal qui l'humilie
Brisant les éclats sous son pied,
Il en sème dans sa furie
La boutique du miroitier.
Bon La Fontaine, et toi, divin Molière,
Que de singes, chez vous, tout honteux de se voir,
De vos tableaux parlants briseraient le miroir,
Si ce miroir était de verre !