L'Instituteur d'Oiseaux Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Ne connaissant que le ramage
De ces oiseaux privés qu'on tient dans l'esclavage,
Un gros lourdaud fut un jour bien surpris
D'ouïr l'agréable langage
Du plus joli serin en cage,
Qui répétait : « Baisez, baisez, ce petit fils. »
On juge bien que, dans la circonstance,
Notre homme pour l'avair en sa possession
N'eût pas regretté la dépense.
Cédant alors à la tentation
D'en avair un, vite il se fait conduire
Chez certain oiselier en réputation,
Puis achète un serin qu'il va lui-même instruire.
Le matin et le soir, et sans plus de façon,
À son élève il ne cessait de dire
En faux bourdon :
Baisez, baisez, mon fils, baisez, petit mignon. »
Un son aigu sans doute en frappant son oreille
L'aurait bientôt rendu savant,
Entre ses mains l'oiseau fut toujours ignorant ;
Il s'en défait enfin ; un homme intelligent
L'achète, et du serin il fit une merveille,

Ô vous que nous chargeons d'instruire nos enfants,
De faire germer leurs talents,
À la moralité vous devez vous attendre !
Ne vous montez jamais ni trop bas ni trop haut,
Sachez vous replier pour vous faire comprendre,
Et saisissez le ton qu'il faut.

Livre III, fable 6




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