En songe, le destin naguère
M'apparut et me dit : « Tu vois le vieux Orgon,
Il possède un trésor dont il ne sait que faire,
Et pour mieux le garder, esclave en sa maison,
Il se tourmente, il s'agite sans cesse.
A quoi lui serviront son or et son argent ?
Demain son existence cesse,
Dans sa barque Caron l'attend.
Ce mortel a toujours paru dans l'indigence :
La possibilité qu'il avait de jouir
Fut constamment sa seule jouissance ;
La peine le suivit, et jamais le plaisir.
Je vais le prévenir de son heure dernière :
Il ne se repentira pas.
De son poids inutile il surcharge la terre ;
C'est un bonheur que son trépas. »
En sursaut je m'éveille et je cours chez l'avare ;
Ce n'était pas en moi crédulité,
Mais seulement pour voir si ce rêve bizarre
Avait quelque rapport avec la vérité.
J'arrive, et vois en effet qu'on prépare
Les obsèques d'Orgon, qui n'est point regretté,
Notre dernier moment est un obsur problême,
Que ne résoudra point notre faible raison.
Durs avaricieux, dont l'erreur est extrême,
Songez que vous pouvez finir ainsi qu'Orgon,
Et sans être avertis de même.