Certain athlète à la course des mules,
Jeux dont les Grecs jadis étaient épris,
Bien loin derrière lui laissant tous ses émules,
Venait de remporter le prix.
De gloire et de louange avide,
A ce grand chantre Simonide,
Dont les strophes alors enchantaient l'univers,
Pour lui, pour ses coursiers il demanda des vers.

Qui, moi, dit le poète, à l'aspect de la bourse
Un peu maigrette qu'à ses yeux
Faisait briller le vainqueur orgueilleux,
Que de tels animaux je célèbre la course,
Des bâtards, des demi-baudets !
Non, certes, point. Pour d'ignobles sujets
Ma lyre doit rester muette.

Avec un bourson mieux garni
Trois jours après reparaît notre athlète :
« Ah ! veuillez accepter mon regret infini ;
L'autre jour je ne sais quel mal, quelle migraine
Avait troublé mon hippocrène ;
Je n'aurais su faire deux vers entiers.
Mais je suis mieux ; voyons, essayons notre veine :
Nobles filles des vents, rivales des coursiers
Que guide la main de l'Aurore...

Pal mal ; allons, demain daignez venir encore,
Et vous aurez un chant digne de vos lauriers. »





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