Dans une luzerne fleurie
Paissait bien grasse et bien nourrie
La vache du vieux Mathurin,
Bon campagnard, notre voisin.
A quelques pas de la clôture,
Certain baudet, pauvre animal,
Broutait du terrain communal
La maigre et jaunâtre verdure.
Brunon, dit-il, ah ! que de bien
Me feraient deux ou trois bouchées
De ta pâture détachées !
Ici je ne trouve plus rien ;
A l'étable ma crèche est vide,
Et cependant de grand matin,
A sa charrette un maître avide...

- Oui, oui ; c'est bon, Monsieur Martin ;
Nous connaissons votre habitude ;
Toujours des soupirs, des hélas ;
Du sort paraître toujours las
Semble être votre unique étude.
Et toutefois votre destin,
Nous le savons, Monsieur Martin,
N'est ni bien triste, ni bien rude.
Si quelquefois dans la maison
Vous vous trouvez par votre maître
Trop vivement tancé peut-être,
À qui la faute ? A son grison,
Bête paresseuse et têtue,
Ne hâtant son pas de tortue
Que par la crainte du bâton.
Allez, allez ; de votre ton
Brunon ne saurait être émue,
Non plus que de votre air piteux.

Nous querellons les malheureux
Pour nous dispenser de les plaindre,
Et surtout de les secourir.
Tel est le sens que peut offrir
Le court tableau qu'on vient de peindre.





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