Le bois n'était plus sans mystère ;
Le rossignol avait repris sa voix.
Celui qui, tous les ans, durant deux ou trois moi
Vient charmer mon clos solitaire,
Avisa l'autre soir un fort beau ver-luisant,
Qui rayonnait sur la verdure,
Et vite de descendre, à l'aspect séduisant
D'une délicate pâture.
Prévoyant le coup qui l'attend,
Le ver s'écrie : O chantre du bocage !
Daigne m'écouter un instant ;
Puis, si du sort il faut subir l'outrage,
Et périr sous ton bec cruel,
Soit faite ainsi la volonté du Ciel ;
Je me résigne avec courage.
Je ne suis, il est vrai, qu'un pauvre vermisseau
Rampant humblement sur la terre ;
Et toi, tu peux, rapide oiseau,
Monter en te jouant au séjour du tonnerre ;
Mais aux yeux de Celui qui, tout-puissant, tout bon,
Créa la rose et le chardon
Jamais de préférence injuste :
En sortant de sa main auguste,
Tout animal reçut sa mission.
A toi, l'Eternel dit : Du roi de la nature
Tu charmeras les nuits par tes refrains divers ;
A moi, sur la fraîche verdure
Tes feux s'allumeront pendant ces doux concerts.
Ces mois de chants, de fleurs, qu'à la terre j'envoie,
Sont un moment de fête, après les longs hivers,
Et toute créature en doit montrer sa joie.
Alors le rossignol par ces mots attendri :
Non, bon insecte, non ; point ne seras ma proie ;
Demeure en paix sur le gazon fleuri,
Et tous deux, toi, par ton doux luminaire,
Et moi, par mon hymne joyeux,
De tant de bienfaits précieux
Glorifions le Maître de la terre.