Le Rossignol et le Sansonnet Jean-Aimé Gaudy-Lefort (1773 - 1850)

Un Rossignol avec un Sansonnet,
Par un manant surpris au trébuchet,
Furent un jour apportés à la ville.
Comme ils étaient l'un et l'autre fort beaux,
Le placement n'en fut pas dissicile :
Sans marchander un amateur d'oiseaux,
Tous deux les empletta. L'enfant de Philomèle
Bientôt de ses accents enchanta la maison,
Et les voisins trouvaient sa voix si belle,
Qu'ils accouraient applaudir sa chanson.
Jaloux de mériter aussi quelque suffrage,
Le Sansonnet oublié dans sa cage
Se mit alors, à grand renfort de voix,
A vouloir égaler le beau chanteur des bois ;
Mais quels refrains ! Privés de mélodie
Ses airs aux assistants donnaient la comédie ;
On se moquait du pauvre prisonnier,
Et le Rossignol le premier.
Le Sansonnet, s'il n'est un virtuose,
A du moins un bon jugement ;
Sans se fâcher le nôtre prit la chose,
Et prudemment se tut ; dès ce moment
Sa prison fut silencieuse.
Mais d'une oreille curieuse
Des maîtres du logis, famille assez causeuse,
Ayant longtemps suivi la conversation,
Il retint nettement et sans confusion
Quelques mots de notre langage.
Je ne sais pas chanter, eh bien, je parlerai,
Dit-il, et par là j'obtiendrai
Peut-être, à mon tour, quelque hommage,
Quelque succès. Il disait vrai :
Dans la maison son talent fit merveille :
« Miracle ! notre Sansonnet
Qui parle comme un perroquet,
S'écriait-on ; la chose est sans pareille ;
Venez l'entendre, s'il vous plaît,
Vous n'en croirez pas votre oreille. »
Auprès du beau parleur on accourt empressé ;
Chacun le flatte, l'encourage,
Et l'applaudit. Et voilà, dans sa cage,
Son rival orgueilleux tristement délaissé.

Il faut savair à propos se retirer d'une carrière à laquelle des mécomptes, des affronts, viennent nous prouver que nous ne sommes point propres, et profiter de la moindre disposition naturelle dont nous pouvons être doués, pour marcher au succès par une route nouvelle.





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