Le Rossignol et la Flûte Honoré Antoine Richaud-Martelly (1751 – 1817)

Tes chants fatiguent mon oreille :
Dès que l'aurore te réveille,
Tout retentit de tes accents.
Tu crois réjouir la nature ?
Mais c'est un tourment qu'on endure
Que d'entendre des fons aigus ou languissants,
Toujours sans ordre ni mesure ;
Tandis que mes talents, en tous lieux appelés
Délices de la Cour, prodiges de la ville,
Sous une main savante et légère et facile,
Semblent toujours renouvelés.
Si du moins ta faible existence
N'a pas encor l'extravagance
De se croire un phénix, alors je voudrai bien,
Prendre le foin d'élever ton enfance.
Par toi-même tu ne fais rien ;
Sans règles est-il d'harmonie ?
Chante-t-on sans savoir ce qu'est la clef de fol ?

C'était ainsi qu'au Rossignol
Parlait une Flûte impolie.
Modestement il répondit : Je crois
Que tu pourrais m'instruire en l'art de plaire ;
Mais, pour montrer ton savoir-faire,
Te voilà seule, chante et chante comme moi.

Livre I, fable 6




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