Le printemps nous était rendu :
Il semait partout la verdure ;
Tout célébrait dans la nature
Son retour longtemps attendu.
Les champs, les fleure, les bois, l'ondoyante prairie.
Tout le peuple des eaux, de la terre et des cieux.
Dans un concert harmonieux,
Exhalait les ardeurs d'une nouvelle vie.
Lu rossignol seul se taisait.
Un écureuil qui s'amusait
A ses côtés, lui dit : — Tu gardes le silence !
Eh quoi ! pas la moindre cadence
Pour célébrer notre bonheur !
J'avais tant de plaisir autrefois à t'entendre !
As-tu quelque chagrin ? parle, ouvre-moi ton cœur.
— Je le veux bien. Tu vas comprendre
Et mon silence et ma douleur.
Hélas ! mon cher ami, tout change
Dans ce pauvre univers que j'ai connu si beau.
J'ai suivi, jour par jour, ce phénomène étrange :
La fleur n'a plus d'éclat, sans grâce est le roseau.
Et dans mon triste cœur expire la louange,
Quand je vois la pâleur du naissant arbrisseau ;
Plus d'ardeurs au printemps, plus de secrète joie !
Le soleil est moins radieux.
Je poursuis sans plaisir une tremblante proie.
Le vent, dans la foret, n'est plus mélodieux.
Tout est moins beau, moins pur, jusqu'à l'azur des cieux.
Et moi je chanterais ! penses-tu que je l'ose ?
Que pourrais-je chanter ?… cette métamorphose ? —
— Mon ami, lui dit l'écureuil,
La nature n'est point en deuil,
Sa fraîcheur est toujours la même.
Rien n'est encor changé, ton erreur est extrême….
J'ai dit rien, excepté ton cœur.
Tu ressembles au voyageur
Qui descend l'onde et croit voir s'enfuir le rivage.
Sois plus résigné, sois plus sage,
Car tout le mal, à mon avis,
Peut se peindre en deux mots. – Dis-les moi. – Tu vieillis.