Un Amateur, chez un Marchand d'oiseaux,
Demande un Perroquet. Monsieur, j'ai votre affaire,
Dit le Marchand. J'en ai deux des plus beaux ;
Ils font instruits de diverse manière.
Aux Perroquets sont donnés à l'instant
Baisers suivis des plus douces paroles.
Qu'ils font jolis ! J'en donne dix pistoles,
S'ils parlent bien. - Vous en serez content ;
Ce ne font pas contes frivoles,
Ma femme seule parle autant.
Aux Perroquets prêtons silence :
Gratte, gratte, Jacquot ; du rôt et du mouton.
A quelques propos sur ce ton
L'un des deux bornait sa science.
Quoi ! rien de plus en conscience,
Celui-là pourrait vous rester.
Le Curieux vers le second s'avance.
Voyons, dit-il, s'il pourra me renter ?
Celui-ci, triste, un peu sauvage,
Ne répondait que rarement.
- Beau Perroquet, quel est donc ton langage ?
Si tu parlais, que tu serais charmant !
Je n'en pense pas moins.
Et l'Amateur s'écrie : Ah ! Ciel, j'achète ce trésor :
Prenez, Marchand, prenez, voilà de l'or,
Et satisfaites mon envie.
Le marché fait, il emporte l'oiseau.
Qu'est-ce que Diogène, Aristote ou Rousseau ?
Mon Perroquet est de la même étoffe.

Pour lui bientôt le couvert mis,
Il rassemble tous ses amis.
Chacun veut être auprès de l'Oiseau philosophe :
Chacun lui prodigue ses foins :
Chacun le baise, le caresse :
Chacun lui parle : il répondit sans cesse ;
Je n'en pense pas moins.
Notre Amateur, confus de sa faiblesse,
Ne put cacher sa honte et son dépit.
Ah ! je vois bien, dit-il, que dans le monde
Tel bien souvent ne montre de l'esprit
Que quand le hasard le seconde.

Livre I, fable 7




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