Dans un de ces repas où règne l'abondance,
Où le délire nous conduit,
Où, pour nourrir notre simple existence,
L'art déguise à grands frais tout ce qui la détruit,
Certaine Puce vagabonde
S'en allait sautillant, goûtant de chaque mets.
Sans accident elle achevait sa ronde ;
Mais on la vit ; on lui fit son procès.
Pouvait-elle, hélas ! se défendre ?
On allait terminer les jours :
D'une petite voix, qu'à peine on put entendre,
Elle hasarda ce discours.

Je demande pardon du mal que j'ai pu faire :
Je me nourris de fang ; je n'en fais pas mystère ;
Et dans vos bras, voyez ma bonne foi,
J'ai pris bien des repas qui ne me coûtaient guère.
Mais ne craignez plus rien de moi :
Si vous me pardonnez, ce jour m'est favorable.
Je viens de voir sur cette table
Ce qui forme le sang dont je me nourrissais ;
Un tel poison ne m'est plus agréable ;
Et m'en voilà dégoûtée à jamais.
Les conviés quittèrent tous la place,
Abandonnant des mets pernicieux.
La Puce allait disparaître à leurs yeux :
Un Médecin lui refusa sa grâce.

Livre I, fable 9




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