Petits moyens guérissent de grands maux,
Souvent du moins. Partant, point de mal incurable.
Il n'est fatigues ni travaux
Dont le poids ne soit supportable ;
Mais une femme peu traitable
Met aux abois un pauvre époux.
Celui-ci, qui n'était avare ni jaloux,
Trouvait l'enfer dans son ménage.
Dans ces liens quand on s'engage,
Si du moins l'on pouvait prévoir
Que souvent un joli visage
Cache le diable le plus noir !
Mais cette erreur est nécessaire :
Si, sous des traits qui peuvent plaire,
On découvrait l'esprit malin,
Bientôt le monde prendrait fin.
Suivons le fil de l'aventure.
Ce bon mari si tourmenté,
S'il n'avait craint que la censure,
Plus d'une fois aurait tenté
De récompenser chaque injure
Par des soufflets ou des cailloux ;
Il eût tué sa femme en sa colère :
Mais il craignait de faire
D'une pierre deux coups.
Leurs amis, tout le voisinage,
Se réveillant de grand matin,
Pour faire cesser ce tapage.
Se réveillaient toujours en vain.
Certaine Puce eut le courage
D'y risquer aussi son latin.
Voyons-la se mettre à l'ouvrage.
Elle attaque Madame au bras,
Et puis plus haut et puis plus bas.
On la poursuit : elle se cache,
Se fait sentir et l'on se fâche,
De la chemise on découvre les plis ;
La Puce alors est au visage,
Et sans respect elle y fait son ravage ;
Un peu de fang en a rougi les lys.
La main approche pour la prendre :
La fine Puce a l'œil au guet,
Et n'est si forte de l'attendre :
Madame se donne un soufflet.
Dans le dos on sent la piqûre :
Le bras ne va pas jusques-là.
Cette fois il faut qu'on endur
Le mal que la Puce y fera.
Mais voilà Madame en furie,
Qui, cherchant à se garantir,
Sur l'angle d'un meuble s'appuie ;
La Puce est contrainte à partir.
Sur la jambe elle rentre en lice ;
Déjà Madame est toute en eau.
De la jambe au genou, du genou sur la cuisse,
Piquant, mordant, faignant, redoublant de malice :
C'était toujours combat nouveau.
Madame n'en peut plus ; sa force est épuisée ;
Elle souffre, gémit, cherche toujours en vain ;
La Puce va toujours son train ;
Tant qu'elle soit rassasiée.
Vil infecte ! disait Madame en soupirant,
Est-il bien vrai que je te cède ?
L'époux rentrait alors.
D'un ton bien différent
Sa femme le reçoit et demande son aide.
Qui t'a donc mis en cet état,
Lui dit le mari débonnaire ?
Une Puce, dit-elle.
Une Puce ! Ah ! ma chère,
Une Puce te met ainsi hors de combat !
Quand je ménage ta faiblesse
Combien dois-tu respecter ma douceur ?
Si contre toi je me servais sans cesse
De mes bras et de leur vigueur,
J'en serais bien autant qu'une Puce en peut faire.
J'ouvre les yeux, dit-elle et reconnais mon tort.
Dès ce moment plus de colère :
Une Puce les mit d'accord.