Heureux qui sait garder sans faste et sans envie
L'obscurité de son état !
Un Reptile superbe et fier d'un vain éclat
Voulut s'en prévaloir, il y perdit la vie.

La nuit, se disait-il, a détruit les couleurs
Dont les rayons du jour savent peindre les fleurs,
Et par des sillons de lumière
Je trace en ces jardins mon illustre carrière.
Les diamants dont le plus digne emploi
Est de servir aux Belles de parure
Dans l'ombre brillent comme moi,
Comme eux j'embellis la Nature :
J'égale les flambeaux des Dieux,
Et j'imite ici bas le séjour du tonnerre ;
Ils sont les Vers-luisants des Cieux ;
Je suis un Astre sur la terre.
J'entends le Rossignol former de doux accents,
Sans doute il célèbre ma gloire,
Par un si beau sujet ses sons plus éclatants
Peuvent remporter la victoire
Sur tous les Chantres du Printemps.
Comme il disait ces mots sa rampante étincelle
Trahit l'orgueilleux Vermisseau,
Et guide dans les airs le vol de Philomèle,
Elle saisit sa proie et n'en fait qu'un morceau.

Livre I, fable 6




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