Après avair charmé Dryades et Sylvains,
Le Rossignol voulut connaître
Ce que ses chants pourraient sur les humains:
Attroupés à l'ombre d'un hêtre,
Des Enfants folâtraient dans des vallons voisins,
Philomèle et ses chants ne sauraient les distraire,
Tout est perdu pour eux et Bécarre et Bémol,
Mais le Coucou commence et la troupe de faire
Coucou, Coucou ! Tu vois, dit-il au Rossignol,
Que l'on met entre nous assez de différence.
Oserais-tu prétendre à la rivalité ?
Ah selon ces Messieurs je crois sans vanité,
Que j'aurais quelque préférence.
Surviennent là-dessus Corilas et Philis,
Amants comme on l'était jadis.
Vainement le Coucou fredonne ;
On les voit peu touchés de sa voix monotone.
Mais dès que l'air harmonieux
Fut animé des sons de Philomèle,
Aussitôt le couple amoureux
S'intéresse, s'émeut et soupire avec elle.
On dit et je l'ai lu dans un auteur fidèle,
Qu'une larme échappée à la tendre Philís,
En tombant sur un teint de Roses et de Lys,
Rendit encor la Bergère plus belle.
Vous qui vous étonnez de voir Philis en pleurs,
Lorsque du Rossignol elle entend les ramages ;
Vous ignorez ces plaisirs enchanteurs
Et ne méritez point d'habiter les bocages.
Mais les Amants sont connaisseurs ;
Le Dieu même de la tendresse
Applaudit Philomèle et ta tendre chanson ;
Il dédaigna l'Oiseau qui babille sans cesse
Et ne forme jamais qu'un son,
Oh qu'il est parmi nous d'Oiseaux de cette espèce !
Apprends, Maître Causeur,
Dit alors au Coucou le Chantre des feuillages,
Qu'il ne faut point compter mais peser les suffrages,
Et pour être touché qu'il faut avair un cœur :
La Multitude te préfère,
Que m'importent ses sentiments !
Une larme de Bergère
Vaut mille applaudissements.