Le Rossignol chantait un joui
Et par son tendre ramage
De tous les lieux d'alentour
11 s'attirait le suffrage.

Les feuilles paraissaient sentir !
Les Oiseaux lui prétaient une oreille attentive
Et crainte d'interrompre ils n'osaient applaudir.
De Zéphire enchanté l'haleine était captive >
L'Amante de Céphale au teint toujours vermeil
Demeurait plus long temps aux portes du Soleil,
S'éloignant á regret des lieux où Philomèle
Répandait ses plaisirs dans la plaine des airs :
Les Dieux mêmes, les Dieux chérissent ses concerts.
Jaloux de rendre hommage à ta jeune Immortelle
L'Amphion des Oiseaux redoubla ses efforts,
Tantôt sa voix douce et timide
Filait des sons charmants, tantôt vive et rapide
De son gosier fécond déployait les trésors,
Et se multipliait dans ses divins accords.
Que n'aurait-il point fait pour célébrer l'Aurore ?
II étonne, il ravit fie se surpasse encore,
Puis il se tait soudain. L'Alouette s'approchant,
Eh bien, dans son langage,
On te donne le prix du chant.
J'y souscris, notre ramage
Est sans doute bien touchant,
Mais le tien l'est davantage.
Tu n'as qu'un défaut, c'est dommage
Que tu chantes si peu de temps.
Il est quatre faisons et l'on entend à peine
Philomèle quelque semaine
Au retour de chaque Printemps.

Par une critique aussi vaine
Reprit le Rossignol, crois-tu m'inquiéter ?
Je chante peu de temps, pourquoi ? Pour mieux chanter.
Si je me tais c'est par prudence,
La Nature le veut, j'obéis à ses lois,
Elle commande et j'élève la voix,
Elle ordonne, aussitôt je garde le silence.
Eh quoi peux-tu nommer défaut
Ce qui rend ma gloire plus pure
Je m'arrête lorsqu'il le faut,
On veut en vain forcer nature.

ÉPILOGUE

Vous dont les vers mélodieux
Ont la douceur des sons de Philomèle,
Chantez et finissez comme elle.
Par un chef-d'œuvre précieux
Hâtez-vous de borner votre illustre carrière :
Ne rampez point dans la poussière
Après vous être élevé dans les Cieux.
Mais qui peut, dites-vous, retenir un poète ?
Le savoir, le Génie embrassent tous les temps,
Pour nous tout âge est un Printemps.
Eh bien suivez cette ardeur indiscrète,
Ternissez ainsi vos succès,
Et prenez pour Minerve une aveugle folie !
Ou plutôt imitez le Rossignol Français
Qui se tut après Athalie.

Livre I, fable 19




Commentaires