Flore visitait son domaine,
Et, bienfaisante souveraine,
S'informait de chaque sujet
S'il était heureux, satisfait,
Ou s'il ressentait quelque peine
Qu'un prompt secours put adoucir.
Chacun avait son déplaisir,
Chacun réclamait quelque chose ;
Le jasmin, las de sa blancheur,
Demandait l'éclat de la rose,
Le lis, son ancienne splendeur,
Et la tulipe un peu d'odeur.
L'humeur jalouse la plus vive
Régnait partout dans le jardin
Chacun enviait son voisin.
Et toi, ma bonne Sensitive,
Dit la reine, de ton destin
N'es-tu point aussi mécontente ?
Que voudrais-tu ? -Rien, dit la plante,
Je n'ai nul désir vaniteux ;
Mais ma tranquillité m'est chère,
Et j'aimerais qu'en ce parterre,
Moins souvent un doigt curieux
Chagrinât ma feuille légère.
- Hé bien, je vais comme au cactus,
Te donner des dards bien pointus,
Pour punir la main imprudente
Qui voudrait encor t'outrager.
- Oh ! s'il faut passer pour méchante,
Grand merci, déesse puissante ;
Plutôt se laisser affliger.
De monhumeur trop susceptible,
Trop timide, s'il est possible,
J'essaîrai de me corriger,
Ou je garderai, sans me plaindre,
Mes ennuis avec ma bonté.
Peu douce est la tranquillité
Qu'on acquiert en se faisant craindre.