Une vieille fourmi du canton genevois,
(Issue en droite ligne, au moins je le soupçonne,
De celle auprès de qui la cigale autrefois
Reçut une leçon si bonne,)
Dans mon champ travaillait ; à ses biens entassés
Ajoutait, ajoutait de l'une à l'autre aurore,
Disant toujours : Allons, quelque fatigue encore,
Et puis nous dirons : C'est ASSEZ.
Alors, heureuse destinée !
Plus d'embarras, plus de soucis rongeurs ;
Je fournirai doucement mon année,
Contente de laisser à ma jeune lignée,
Quand l'heure sonnera, le fruit de mes sueurs.
En attendant, voyons, encor quelques labeurs,
Et que le ciel me soit en aide.
Vœu superflu ! projet fragile et vain !
De mon fermier le soc un beau matin,
Au milieu du soin qui l'obsède,
Vient frapper la pauvrette et terminer ses jours.
ASSEZ est un beau mot, mais ASSEZ c'est toujours
Un peu plus que ce qu'on possède.
Titre original : Assez