La vie contemplative Jean-Aimé Gaudy-Lefort (1773 - 1850)

Le fils d'un mandarin chinois,
Jeune homme à la cervelle vive,
Et d'humeur quelque peu rétive,
D'un monde vain fuyant les lois,
S'était retiré dans les bois.
L'existence contemplative,
Disait-il, voilà le vrai bien ;
D'être heureux c'est le seul moyen.
La méditation, l'étude,
Ce trésor, ces chères amours,
Dans une douce solitude
Vont désormais remplir mes jours.

Chez notre jeune solitaire
D'abord ce fut bonheur parfait ;
On contemplait, on méditait ;
En s'abreuvant d'une onde claire,
On mangeait les fruits qu'on cueillait;
C'était charmant. Une quinzaine
Ainsi s'écoula doucement ;
Mais vint ensuite le moment
Où cette solitude vaine,
Avec un long désœuvrement,
Offrit un peu moins d'agrément.
On désirait quelque visage
A qui parler. Heureusement
Se trouva dans le voisinage
Un bûcheron, homme de sens.
Mon sage fit sa connaissance ;
Ensuite vint en confidence
L'aveu de ses ennuis naissants.

Voisin, d'un accent un peu rude,
(C'était là son ton d'habitude)
Mais avec un air d'intérêt,
Lui dit l'hôte de la forêt,
Vous voyez ce beau tas de chêne,
Pour la vente déjà tout prêt :
C'est mon labeur de la semaine ;
Et puis, là- bas, ce jardinet,
Bien sarclé, bien propre, bien net :
Nul n'y met la main que moi-même ;
C'est le délassement que j'aime
Pour le soir, quand mon bois est fait.
Puis, vient la nuit, et quel bon somme
M'attend alors à mon chevet !
Suivez cet exemple, jeune homme ;
À votre esprit pas tant de soins ;
Et, comme l'a dit un beau livre,
Agissez plus pour penser moins,
Et ne vous regardez pas vivre.





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