Jadis un chat nommé, dit-on,
Le beau Raton,
Aux approches de la vieillesse,
Allait tous les jours à confesse,
Puis, l'air tout pensif et rêveur,
Rentrait chez lui, plein de ferveur,
S'asseoir auprès de la marmite,
Récitant son Credo, comme un dévot ermite,
Et parfois élevait un modeste regard
Vers le ciel, où pendaient quelques bandes de lard.
Sa maîtresse, admirant le dévot personnage,
Disait : « Mon chat n'a pas son pareil au village,
Je ne lui donne rien, il ne vit que de rats,
Et voyez qu'il est beau, qu'il est fier, qu'il est gras !
— Il est gras comme un loir, c'est vrai, je le confesse,
Répondait le voisin, un bon vieux forestier ;
Mais je voudrais savoir d'où lui vient cette graisse,
Car, de prendre des rats c'est un triste métier.
Ce beau chat, ce raton, plus rusé qu'on ne pense,
En braconnant au bois, s'est arrondi la panse. »
Et, songeant à cela, le brave homme se dit :
« II faut que dès ce soir je prenne le bandit. »
Or, cette même nuit, par un beau clair de lune,
Raton se résolut de tenter la fortune.
Il monte sur le toit et, s'aidant d'un treillis,
Descend dans le jardin, puis gagne les taillis.
Le gueux se promettait des noces de Gamache,
Et du goût des perdreaux se léchait la moustache.
Comme il allait ainsi, remontant le vallon,
A l'ombre des genêts, dans le creux d'un sillon,
il découvre un levraut, à deux pas de sa route.
Sur la foi des traités, il dormait là, sans doute,
Et s'en donnait si bien que notre chat d'un saut
Crut pouvair illico surprendre son levraut.
Il allait doucement, en allongeant l'échine,
Se rasant dans les foins, comme un madré renard.
Tout à coup il bondit. C'était un traquenard,
Et le pauvre Raton fut pris dans la machine ;
De rage et de douleur il en faillit crever.
Le garde, au petit jour, accourut l'achever,
Et, lui cassant les reins d'un rude coup de trique,
Lui cria : « Vieux pendard, voilà ton viatique ! »
Combien de ces Ratons nous voyons ici-bas,
Faisant les bons apôtres,
En récitant des patenôtres !
Pour Dieu ! ne vous y fiez pas.