Dame Brigitte, un jour, dans sa maison,
Transportait, d'une main peu sûre,
Un réchaud allumé, Voilà que, d'aventure,
De ce réchaud tombe un charbon,
Son chat, qui la suit, fait un bond,
Sur la braise pose la patte,
Et se brûle outrageusement,
Aussitôt sa douleur en cris perçants éclate.
De ce cruel événement
L'antique ménagère a l'âme désolée ;
La bête est dans ses bras baisée et consolée :
« Cher ange, mon bijou, mon ami, mon seul bien,
Apaise-toi, cela ne sera rien ;
Embrasse ta bonne maîtresse. »
Et cent propos que la tendresse
Inspire au sexe, en pareil cas,
Pour d'autres amis que des chats.
Le ciel prit en pitié le tourment de la dame ;
Blanchet le lendemain fut sur pied. L'animal
Retrouve le charbon qui lui fit tant de mal ;
Non plus tel qu'un brasier qui pétille et s'enflamme,
Mais éteint, noir et refroidi.
Par ce changement enhardi,
Le chat sur lui se jette avec colère,
Et, n'écoutant qu'une aveugle fureur,
Frappe, écrase l'incendiaire ;
Le voilà noir à faire peur.
Doris, ce charbon est l'emblème
De ces hommes pervers, qu'avec un soin extrême
Il vous faut fuir. Craignez leur contact dangereux ;
Redoutez leur amour autant que leur colère.
Si vous résistez à leurs vœux,
Ils déchaînent sur vous leur langue de vipère.
A telles gens tout moyen paraît bon,
Devant aucun leur haine ne recule ;
Ils sont enfin semblables au charbon,
Qui vous noircit, s'il ne vous brûle.