Un jour dans un lieu solitaire
Dame Fortune (elle est quelquefois débonnaire)
Conduisit deux individus.
Je vous ai, dit-elle, entendus
Former des vœux ; eh bien, je vais les satisfaire.
Des métaux entassés frappent ici vos yeux,
Je vous les offre, qu’on choisisse.
Mais il faut qu’on vous avertisse
Qu’un tas doit suffire à vos vœux.
Ce monceau de billon me semble assez honnête,
Dit l’un. Il me suffit… Ventrebleu ! pas si bête !
Dit l’autre ; je choisis ce tas de pièces d’or,
Qui certes sont de poids, ou je me trompe fort.
Allons, mes bons amis, réplique la déesse,
Disposez de vos biens. Alors chacun s’empresse
A porter au logis le lot qu’il préféra.
Or, qu’advint-il à ces gens-là ?
L’un goûte un doux sommeil dans sa retraite obscure,
Et s’éjouit parfois sous un toit de verdure ;
L’autre veille sans cesse auprès d’un coffre-fort.
Le bonhomme Richard assure
Que la joie innocente et pure
Sourit plus volontiers aux liards qu’aux pièces d’or.