Une taupe, dans un jardin,
Faisait un ravage effroyable.
Le maître dit : « Quoi donc ! j’y perdrais mon latin !
« Plus de légumes sur ma table !
« Rien au marché! vraiment je veux détruire enfin
« Des taupes la race exécrable.
« Vite une bêche ! » Il va se mettre au guet,
L’œil fixe, sans bouger: il aperçoit la terre
Qui remue, et voici la taupe qui parait.
À la saisir sa main est alerte et légère.
« Voudrais-tu m’étouffer ? pourquoi cette colère ?
S’écria notre taupe ; « homme, sois généreux ;
« Sais-je ce que je fais ? De son char radieux
« Phœbus verse en vain la lumière ;
« Je n’y vois goutte ; hélas ! je suis sans yeux. »
— « En a-t-on besoin pour mal faire ?
« Reprit le jardinier ; lorsque l’on n’y voit pas,
« On reste dans son trou: Je tiens aux résultats ;
« Qu’importent les motifs ? Allons, tu périras. »
Il l’envoie aussitôt dans le royaume sombre.
Aux conseils de nos potentats,
Taupes d’une autre espèce ont fait des maux sans nombre :
Ce sont les fléaux des états ;
Et, sans désirer leur trépas,
Je voudrais qu’on les mît à l’ombre.