La Raison prisonnière Charles-Étienne Pesselier (1712 - 1763)

De tous les temps, l’amour et la raison
N’eurent jamais, je crois, de grande liaison :
La raison fut toujours d’une humeur trop austère;
Et pour les cœurs, de son côté ,
Le malin enfant de Cythère,
Avait un peu trop de bontés,
Matière à grands procès :… D’abord, avec adresse,
L’amour se déguisa sous le nom d’amitié;
Et la raison parut se mettre de moitié
Avec le dieu, de la tendresse;
Mais à parler sincèrement,
Ce n’était que haine couvertes:
Elle éclata bientôt; et sans ménagement,
On se fit une guerre ouverte,
La raison remporta, dans les premiers combats,
Quelques victoires passagères ;
L’amour n’avait alors que fort peu de soldats,
Troupes d’ailleurs assez légères,
Si j’en crois nos meilleurs auteurs ;
Mais il lui vint bientôt nombre de déserteurs,
Muni de troupes étrangères,
Que ce dieu fut Habilement
Plier à son gouvernement,
Il donna la bataille, et ce fut la dernière;
La raison se découragea ;
Et dans une mêlée, où l’amour l’engagea,
Elle fût faite prisonnière.
Ses efforts furent Superflus;
D’un prudent général l’amour faisant le rôle,
La renvoya sur sa parole;
Mais à condition qu’elle ne servît plus.





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