Jadis fut en Egypte une Divinité
D'une grande célébrité.
C'était un bœuf, objet des plus pompeux hommages ;
On lui donnait le nom d'Apis ;
On tirait de lui des présages
Et l'on croyait qu'en lui revivait Osiris.
Ce dieu mortel enfin devait perdre la vie ;
Mais sa gloire incessante était si bien servie
Par un nombreux concours de prêtres imposteurs,
Dont l'infaillible prévoyance
Perpétuait sa ressemblance,
Qu'Apis ressuscitait en tous ses successeurs.
Il est Certains jours d'allégresse
Chez un peuple civilisé,
Où l'animal de même espèce,
Au milieu des splendeurs de l'antique Lutèce,
Semble être encor divinisé.
C'est le bœuf gras. — On le couronne
De fleurs et de rubans ; nombre de citoyens.
Dans l'escorte qui l'environne.
Sont travestis en dieux les plus chers aux païens ;
De rue en rue on le promène
Aux sons bruyants des cors, des hautbois, des tambours ;
On fait halte avec lui dans tous les carrefours :
Du carnaval c'est la semaine,
C'est la fête des jeux, des ris et des amours.
Sous un de ces soleils, dans sa fierté comique,
Le cortège mythologique
Rencontre à l'improviste un funèbre convoi.
Tout saisi d'un pieux émoi
Il s'arrête….. et voilà de la troupe olympique
Tous les dieux qui font à la fois,
Avec recueillement, le signe de la croix.
0 peuple ! tu n'es pas frivole
Autant qu'on le reproche à ta légèreté.
Le Dieu vivant t'éclaire et la fable s'envole
Lorsque devant ses pas surgit la vérité.
La fable c'est la vie humaine
Que souvent le mensonge entraîne
A l'oubli de son sort mortel ;
La vérité c'est la lumière
Qui sur notre froide poussière
Descend du signe auguste, interprète du Ciel.
La Fable aurait pu s'appeler simplement La fable et la vérité, titre choisi par plusieurs fabulistes avant Viancin, dont Florian.