Bouteille, maudite bouteille,
Toi , que ma femme abhorre à l'égal du poison,
Source de nos chagrins, fléau de ma maison,
Vas , je ne boirai plus de ta liqueur vermeille...
Et toi, viens à mon aide , officieux bouchon,
Entre profondément, tiens moi lieu de raison,
Puisque sur elle en vain Grégoire se repose.
Il dit, et de son mieux rebouchant le flacon,
A moitié plein encore à ses pieds le dépose.
Après ce généreux effort,
De lui-même content le brave homme s'endort.
Mais bientôt la soif le réveille ;
Et par un vieil instinct conduit,
Il prend, quitte, reprend, lâche un peu, ressaisit
Ce cristal enchanteur où le jus de la treille
De ses légers glouglous lui chatouille l'oreille.
Le liège a beau tenir, un tour de main suffit,
Et le tire-bouchon décoiffe la bouteille.

Pour vaincre un dangereux penchant,
L'homme promet en vain de faire des miracles :
Il ne lui présente d'obstacles
Que ceux qu'il croit pouvoir écarter aisément.

Livre I, fable 13




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