Un loup de résolution,
Pendant une expédition,
Au genou fut blessé par une chevrotine ;
Sur un brancard, deux loups l'emportent au logis.
De dire il n'est besoin qu'il poussait de grands cris ;
Aisément cela se devine.
En proie à de vives douleurs,
En l'entend qui gémit, on voit couler ses pleurs,
Et soumis à la médecine,
Il fait longtemps maigre cuisine !...
Il n'avait plus que les os et la peau,
Quand, un jour, un renard lui présente un agneau,
En lui disant : « Je te l'amène, frère,
Pour que tu veuilles bien instruire son affaire.
Il a mangé ton herbe et bu dans ton ruisseau !...
Crois-moi, seigneur, c'est une bête
Qui, pour ta majesté, n'est point du tout honnête.
Tais-toi, répond le loup, tu me casses la tête ;
Mon pauvre agneau, sois sans effroi,
Tu n'as rien à craindre de moi :
Tu peux partir, je te pardonne.
Et vous tous, assistants, que ma douceur étonne,
Sachez, par la leçon que je viens de donner,
Qu'il faut avoir souffert pour savoir pardonner. »

Fables nouvelles, Livre III, Fable 7, 1851




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